Marie-José Mondzain


Ce qui nous peuple et ce qui nous dépeuple
De l'icône et de l'iconocratie


    Marie-José Mondzain, Philosophe, Directrice de recherche au CNRS, étudie notre rapport à l'image. L'iconocratie est un mode de gouvernement par les images. Culte quotidien des visibilités, addiction au visible pour des yeux devenus aveugles devant l'invisible, nous condamnant à l'idolâtrie, mais ne pouvant s'imposer que comme régime de la peur. Un pouvoir fondé sur une appropriation du sensible.
    Notre rapport contemporain à l'image reste lié au conflit de l'époque byzantine qui opposa le pouvoir politique au pouvoir religieux pour le contrôle des pouvoirs de l'image. Mais avec la production industrielle des symboles et l'industrie cinématographique, l'image se raréfie et tend à disparaître. Notre époque hyperindustrielle, comme moment de saturation de l'espace public au service du pouvoir économique, de la consommation consensuelle d'un sens, provoque un effondrement de la vitalité imaginaire, puisque la circulation des signes y équivaut à la circulation des choses. Nous aurions désappris à voir non pas pour voir librement, mais pour ne plus rien voir et surtout pas de l'autre. Or, c'est cet accès à l'autre, à la différence, à l'inconnu, que l'image offre dans ce qui excède le visible. Excès qui se donne à voir comme un mouvement qui déborde et vide à la fois le visible. Un mouvement qui met en crise le visible, déserté par ce qu'il montre et qui place l'image dans le champs de la démesure. L'image nous met en mouvement parce qu'elle est mouvement, elle danse et nous fait danser, mais encore faut-il un regard libre, qui ne voit pas sur ordre. Cette liberté du regard est aussi affaire de désir. Désirer voir, c'est accepter une errance ouverte à l'inconnu, c'est accepter l'insatisfaction. C'est en ce sens qu'il faudrait alors comprendre que l'image laisse toujours à désirer.


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